Mon père, ce héros… Il travaillait beaucoup et n’était pas souvent à la maison mais chaque fois qu’il passait le pas de la porte de la maison, il veillait à passer chaque seconde de son temps avec sa famille. Il était flic et faisait du bon travail. Il était à l’anti-gang et traquait les yakuzas. Ce n’était pas facile, pas gratifiant mais il faisait de son mieux. Et puis un jour, il s’est fait tuer. J’avais neuf ans et c’était la première fois que je voyais un fantôme. Je ne savais pas encore que ça en était un. Pour moi c’était juste mon père qui rentrait à la maison. Il était trempé et il est resté un moment avec moi sur la terrasse. Il pleuvait ce jour-là alors je n’ai pas posé de question. Le lendemain, on a retrouvé son corps flottant dans la baie de Tokyo. Il était mort depuis plus de 24h. L’affaire a été classée sans suite à cause de policiers corrompus qui n’ont pas daigné ouvrir une véritable enquête pour le meurtre d’un de leur collègue. Quant à ma mère, elle n’a pas porté son deuil bien longtemps…
Ma mère, cette putain… Ancienne hôtesse, ancienne escorte girls, ancienne junkie. Mon père l’a sauvé d’un petit-ami violent et on peut dire qu’il a été pour elle, son prince charmant. Mais ça ne l’a pas empêché de le trahir et de replonger rapidement dans ses vieux démons. Elle était bipolaire et dépressive. Incapable de s’occuper de moi, c’était une voisine qui venait l’aider lorsque mon père travaillait et veillait à ce qu’elle ne m’oublie pas dans un coin de la maison. Lorsque j’ai été assez grand pour me débrouiller, elle a très vite saisi l’occasion de vaquer à ses occupations et sans doute retrouvait-elle ses amants lorsque j’étais à l’école. Je ne saurais le dire. J’étais trop jeune, trop naïf et pourtant quand elle a ramené cet homme quelques jours après la mort de mon père, j’ai su qu’ils étaient de mèche. C’était son amant, son futur mari et mon désormais beau-père.
Mon beau-père, ce sombre connard… Officiellement c’était un homme d’affaire tout ce qu’il y a de plus honnête. Officieusement il était soupçonné de proxénétisme et d’être lié aux yakuzas. Ma mère avait travaillé pour lui comme escort-girl avant de rencontrer mon père. Ce dernier enquêtait sur lui bien entendu. J’ai retrouvé des années plus tard des notes grâce à des collègues à lui qui étaient restés droit dans leurs bottes malgré la corruption qui faisait rage dans certains arrondissements de Tokyo.
Mon enfance… Elle a été ordinaire jusqu’à la mort de mon père. Dès que mon beau-père est entré dans nos vies, nous avons déménagé chez lui, dans un appartement qui puait le luxe et j’ai commencé à fréquenter des écoles privées que je détestais. Je ne voyais presque jamais ma mère et j’avais un peu trop souvent mon beau-père sur le dos. C’était un yakuza, j’en étais sûr. Entre ses tatouages et ses hommes de mains terrifiants. Il y avait aussi la manière dont se comportaient les gens avec lui. Il inspirait de la peur à tout le monde et j’avoue que moi aussi je le craignais. Il était colérique, violent et impulsif. Il battait ma mère quand elle se comportait mal et j’ai eu le droit à mon lot de gifle pour insolence répétée.
A 14 ans j’ai fait une fugue mais je n’ai pas pu aller bien loin. Ses hommes m’ont retrouvé et j’ai eu le droit à la remontrance de ma vie. Je me souviens encore des coups de tige de bambou qu’il m’a donné sur la plante des pieds. Je n’ai pas pu marcher pendant plusieurs jours et pour ne pas prendre du retard, j’ai été obligé de suivre des cours à domicile.
Il m’emmenait partout comme un p’tit chien et me présentait comme son fils. D’ailleurs il ne m’a pas demandé mon avis pour me faire changer de nom de famille. Yagami, c’est son putain de nom de famille et je le porte encore aujourd’hui comme une croix. Pour me rappeler qu’un jour j’arriverais à le faire tomber pour toutes les saloperies illégales qu’il fait mais surtout pour le meurtre de mon père.
Ma vie… Peut-être que je suis devenu reporter pour le fuir. Il était envahissant et d’une certaine manière il me faisait peur. Je le haïssais mais je me sentais incapable de le tuer et puis ça aurait été trop doux comme châtiment pour lui. Je voulais l’envoyer en taule et lui faire payer ses crimes devant la justice mais j’avais d’abord besoin de prendre de la distance. Alors je suis devenu correspondant à l’étranger, acceptant les missions les plus dangereuses, celles que personne ne voulait prendre mais qui ont fait de moi ce que je suis : l’Afghanistan, la Tchétchénie, l’Iran, le Printemps Arabe ect…
Chaque blessure que je me faisais lors d’un reportage a donné par la suite un tatouage sur ma peau, comme une peinture de guerre sensé me donner le courage d’affronter mon beau-père.
Mokpo... Avec le temps mon don s’est amplifié et est devenu plus incontrôlable que jamais. Autant dire que toutes ces horreurs que je voyais au quotidien dans mon travail n’aidaient pas. Et puis j’ai fini par entendre parler de cette ville et des rumeurs qui couraient autour de ces gens aux dons si particuliers... Je n’avais pas grand-chose à perdre. Je n’arrivais déjà plus à dormir la nuit alors j’ai tenté ma chance. J’ai pris un billet pour la Corée et j’ai même fini par m’y installer. Je suis d’une nature à avoir la bougeotte alors j’ai malgré tout continué à faire reportage à l’étranger, de moins en moins souvent d’arrêter complètement pour me concentrer sur la Corée, sur la mafia qu’elle abrite, sur ces hommes d’affaire ou politiques corrompus qui profitent du système mais aussi sur ses quelques tueurs en série qui trainent ici et là. Autant vous dire que j’ai plus d’ennemi que d’ami mais franchement, j’en ai rien à foutre.