Dokkaebi, c’est une véritable boule d’affection et de tendresse, toujours prêt à donner son 110% pour aider son prochain et ce, même si le prochain en question est loin de le mériter. Il n’est pas rare de le voir faire offrande de ses derniers dollars ou même de la veste qu’il a sur le dos si on lui en fait la demande. Généreux à l’extrême, d’un altruisme à la limite du masochisme, il a été éduqué ainsi : à ne rien désirer pour lui-même, à faire du bien commun son objectif ultime. Il faut dire que c’est, selon lui, la raison pour laquelle les gens ont des dons, pour en faire profiter l’univers, pour se rendre utile. Et le sien? Il l’emploi à enseigner à des gens paumés, confus, pour s’assurer qu’ils apprennent à contrôler le cadeau du ciel dont ils ont été affublé.

Puisqu’il a grandi dans une famille peu traditionnelle, cadet de trois sœurs et destiné au shamanisme depuis son premier souffle – c’est la seule voie acceptée dans cette famille qui pratique l’art occulte depuis la nuit des temps – il a parfois des réactions jugés excentriques ou tout bonnement, cinglée. C’est que les Seong, ils n’ont jamais su s’adapter à la vie moderne, ils sont trop attachées au traditions, aux vieilles pratiques et qu’en 2020, invoquer des esprits divins en hurlant autour d’un feu la veille de l’équinoxe, c’est un peu démodé. Cela dit, ses racines, sa famille, il en est fier, un peu trop, au point de ne jamais s’être posé la question avant d’inviter des gens dans le temple ou il a grandi. Et de se surprendre, quand ses camarades de classe décidaient de ne plus jamais remettre les pieds dans cet enfer après qu’une de ses tantes ait décidé de leur préparer un tonique dégueulasse à base de cumin pour les aider à réussir leurs examens de mathématique.

Pour cette raison – et aussi pour le collier en pattes de poulet qui ne le quittait pas malgré le code vestimentaire de l’école, sa vie scolaire a été un véritable calvaire. Risée de tous, souvent pointé du doigt et traité de cinglé, de sorcier, il a toujours trouvé très difficile d’encaisser toutes ses insultes, surtout que plus jeune, il ne contrôlait pas si bien son don et ressentait en puissance quinze, leur animosité. Savoir que les gens vous haïssent et en palper l’intensité émotive, c’est deux mondes. Il avait dix ans quand ses parents ont enfin accepté de lui faire l’école à la maison, ses constantes crises de larmes et fuite en plein cours ayant eu raison de leur patience, il faut dire que c’était ingérable, autant d’émotions dans son petit être. Il a donc eu un bon dix-huit ans pour apprendre à contrôler ses facultés et maintenant, il arrive à se fermer aux émotions des autres. Pourtant, cette époque lui a laissé une cicatrice permanente sur l’âme : cette certitude de ne pas être suffisant, d’être un monstre. Et il sourit, pour le dissimuler. Dieu merci personne ne ressent ses sentiments bordéliques et misérables.