Je suis né deux fois…
La première en 1988 dans une clinique privée de Mokpo. Ma mère n’avait que 22 ans. Elle était très belle et sans argent. Elle avait épousé mon père un an plus tôt, un homme plus âgé qui avait déjà un fils de dix ans. Mes grands-parents maternelles lui devaient de l’argent et ne pouvaient le rembourser. Ma mère lui plaisait alors il l’a prise comme épouse. Elle n’était qu’un joli trophée. Fille d’un entrepreneur qu’il avait ruiné quelques années plus tôt. Il ne l’aimait pas. Il la trompait et la maltraitait aussi bien physiquement que psychologiquement. Elle était jeune, perdu et elle a fini par tombée amoureuse d’un autre homme qui lui promettait de la sauver mais qui n’a fait que précipiter sa chute...
Je suis né une seconde fois en l’an 2000. J’avais douze ans et je venais de tuer ma mère.
Ma mère projetait de fuir avec son amant en m’emmenant avec elle. Elle ne supportait plus mon père, ni la façon dont il la traitait mais surtout, elle ne supportait pas lorsqu’il levait la main sur moi pour me dresser et me discipliner. J’étais élevé à la dure pour être son digne fils. Je ne serais jamais son héritier mais je servirais mon demi-frère en bon numéro 2. C’était mon destin. Celui de devenir un truand en costard comme mon géniteur. Un avenir que ma mère ne voulait pas pour moi.
Mon père a découvert son projet de fugue. En fait je crois qu’il le savait depuis longtemps et attendait simplement le bon moment pour agir. Il a choisi le soir où nous devions partir. Il a abattu l’amant de ma mère qui était venu nous chercher puis il a jeté une arme dans ma direction et m’a demandé de tuer ma mère si je voulais vivre.
Je n’ai pas tiré pour sauver ma vie. J’ai tiré pour sauver la sienne. Parce qu’elle me l’a demandé. Parce qu’elle ne supportait plus cette vie. Parce que je savais qu’elle avait tenté de se suicider de nombreuse fois.
Ce soir là, j’ai tué pour la première fois en me jurant qu’un jour, son tour viendrait.
Je suis rentré dans le rang et j’ai serré les dents. Je suis devenu un fils modèle et j’ai commencé à contribuer à mon niveau aux affaires familiales. Si j’étais obéissant et facile à vivre pour mon père, je ne l’étais pas pour mes camarades de classes. Je fréquentais une bonne école privé où j’ai rapidement pris la tête d’un groupe d’élèves dont le passe-temps était de tyranniser les plus faibles. Dans ce monde, c’est marche ou crève. Mais j’avais surtout besoin de libérer cette colère et cette rage que j’avais en moi. Je ne devais pas exploser à la maison alors je me défoulais comme je pouvais ailleurs et sur les autres.
Après le lycée, j’ai fais une école de commerce et j’ai étudié quelques années à l’étranger. Je ne supportais plus la Corée. J’avais besoin de prendre mes distances avec les affaires de mon père. J’avais de toute façon trouvé un bon prétexte. Puisque je ne serais jamais son héritier, je m’occuperais du développement de nos activités à l’étranger et c’est vers la Russie que je me suis tourné après avoir fini mes études aux USA.
C’est pendant l’un de mes séjours à Moscou que mon frère s’est fait assassiner. Personne ne sait vraiment comment c’est arrivé mais il s’est pris une balle au cours d’une fusillade. Ai-je besoin de vous dire que j’étais en ligne avec lui quand c’est arrivé ? Je sirotais une coupe de champagne dans une suite d’un palace tout en lui murmurant que notre père serait le prochain.
En rentrant en Corée, j’ai juré à notre père de venger son héritier. Je l’ai fait. Il n’a simplement jamais su qui avait vraiment payé les hommes que j’ai fait exécuter. Il n’a jamais su non plus que je serais responsable de l’accident qui lui couterait la vie quelques années plus tard.
J’étais son fils, le seul descendant encore en vie et au courant des affaires en cours. Ça a donc était presqu’une évidence pour moi de prendre sa place dans l’organisation mafieuse à laquelle il appartenait lorsqu’il est enfin mort quelques années plus tard. J’en suis donc l’actuel numéro 2. C’est ironique quand même. C’est à croire que je passerais toute ma vie à être numéro 2…