Une touche et puis un autre sur ce clavier de ce piano abandonné. Une pression qui fait en sorte qu’un petit marteau cogne sur une corde pour faire un son si mélodieux. Sous cette pluie battante à l’extérieur de cet entrepôt, je pianote. Réfléchissant, commémorant les souvenirs heureux ou pas que j’avais eu autrefois par le passé. L’instant que j’étais libre de mes gestes et de mes dires. Cette fois, je me sens comme un oiseau dans une cage. Un oiseau qui voue un amour douloureux envers son prédateur qui ne va aucunement de main morte à son égard. Je reste parce que je n’ai pas d’autres endroits où rester et aussi, ce chez moi a été reconstruit pour moi. Depuis que j’ai seize ans que j’y vis. Depuis que je suis adolescente, on m’a enfermé. Étant si naïve, étant si jeune d’esprit... J’aimerais retourner dans le passé d’une certaine manière. Le soleil me semblait qu’il brillait beaucoup plus qu’actuellement. Un sourire s’étire sur mes lippes. Pourquoi je suis autant pessimiste ? D’une certaine manière c’est comme ça qu’on m’a toujours montré l’amour envers moi. Brute, sauvage, rien de tel pour un amour passionnel et les débats qui en démontrent autant. Sauf que par moment, je rêve à avoir de la douceur et entendre “je t’aime” qui effleure les lèvres de celui que j’aime. Le voir sourire, voir son regard brûler d’amour pour moi et sa main qui me caresse tendrement ma chair. Je ferme doucement mes yeux, une larme se glisse le long de ma pommette pendant que je continue de marteler les touches de l’instrument. Mon cœur souffre. Mon cœur saigne, a mal. Il souffre à chaque coup que je reçois sans réellement le mériter, des marques sur mon corps, des plaies qui s’ouvrent à cause des chutes tout comme les hématomes disparaissent avec peine et de misère. Il saigne car aussi ça fait dix ans, jour pour jour, que mon frère aîné n’est plus. Dix ans que je me retrouve orpheline, seule, du moins, avec l’homme de mes rêves.

Une naissance ordinaire, grandir normalement, c’était tout ce que j’avais connu. Des parents aimants, des enseignants d’université qui vouaient leur temps aux enseignements. Une famille bien heureuse qui n’avait aucune raison pour se rebeller et d’aller mal. Tout semblait si bien. Il fallait que Ki Suk, mon frère aîné de six ans de plus, puisse foutre le bordel avec un certain ami. Au primaire totalement chaotique, allant se battre sans arrêt, etc. Pourtant c’était à cet instant que leur amitié s’était scellé, depuis ce temps-là, que j’avais rencontré Jinwon. Un garçon à problème, mais néanmoins il avait un cœur qui tentait de cacher au plus profond de son être. Dès le plus jeune âge, je ne cessais de dire que j’allais épouser ce garçon quand je serai grande. Un rêve de gamin sans plus c’était ce que tout le monde disait. Pour ma part, c’était une réalité, un fait à devenir. J’étais celle qui était la prodige de la famille. J’apprenais très vite, j’étais telle une éponge qui absorbait les informations d’une facilité qui en déconcertait plus d’un. J’avais réussi à sauter quelques classes, mais pas énormément de peur que mes parents jugeaient que c’était trop difficile pour moi. Des classes que je passais à dormir la plupart du temps et mes temps libres à me consacrer dans me fourrer le nez dans les affaires de mon frangin. Un jour, lorsque je quittais le bureau de la direction en accompagnant mes parents parce que je commençais à sécher les cours – sachant pertinemment que je n’avais pas besoin vu la facilité de l’apprentissage que j’avais - on croisait le club de musique à l’époque. Découvrant ainsi un certain intérêt pour la musique, découvrant ainsi une nouvelle passion pour le piano également.

Cela prend généralement un instant pour qu’une vie, même plusieurs, bascule du tout au tout. Mon frère avait déjà quitté la maison dès sa majorité avec les frivolités de Jinwon. Il ne restait que moi dans la maisonnée. M’occupant de mes études tout autant du club, au lycée, de temps à autre je m’occupais de mon frangin qui parfois je le croisais légèrement ensanglanté pour des raisons que je finissais par le savoir. Découvrant ses mauvaises habitudes, découvrant la vie qu’il avait fini par s’y installer tandis que moi, mes parents visaient le fait d’avoir un métier plus stable et bien vu. Une carrière tranquille ? Je me sentais autant vivante d’être parmi ces deux mecs que d’aller dans un milieu qui ne m’intéresserait peut-être pas ? À cette époque, j’étais si confuse, je ne savais pas comment réagir et à quoi penser. Balançant entre les études et l’amusement. Je me laissais porter au gré du vent, jusqu’à temps qu’une petite étincelle puisse faire en sorte que je ne pouvais plus agir comme cela. Tard la nuit, je marchais dans les rues de la ville en me dirigeant chez mes parents, j’avais quatorze ans à cette époque. J’avais été chez une amie avant de bifurquer pour aller voir Ki Suk qui n’était pas présent chez lui. Retournant chez mes parents, traînant de la patte, j’entends des pompiers qui faisait entendre leur sirène. Roulant à toute vitesse. Je ne me posais pas de questions, car je me disais que c’était improbable que ça soit chez moi. Cependant, plus que je m’approchais, plus que je voyais les lumières de gyrophares des voitures d’urgence. Sentant une odeur de brûler ainsi que la fumée qui s’imprégnait de mes vêtements. Tournant le coin, je voyais bien un monstre de flamme manger entièrement la maison sous mes yeux. Un incendie qui brûlait de mille feux devant moi. J’étais sans voix, j’entendais une femme agonisée. Un pompier me demandait gentiment de partir de cet endroit en me guidant plus loin, sauf que je restais figée. Les larmes qui commençaient doucement à glisser le long de mes joues jusqu’à temps que quelqu’un gueule de faire attention. Une explosion jaillissait me faisant tomber sur le sol avec quelques débris m’éraflant la peau. Un bourdonnement se faisait entendre à mes oreilles. Un cillement qui rendait le son imperceptible pendant un moment jusqu’à temps qu’on puisse me cacher la vue. Je sentais des bras à cet instant et le parfum que je reconnaissais étant celui de mon frère. Il était venu me chercher puisque dorénavant ; je n’avais plus de chez moi.

Deux ans que cela m’avait pris pour reprendre le dessus. Je n’avais plus envie de rien et je ne voulais rien faire. J’étais assise sur la chaise de mon pupitre et je regardais l’extérieur en soupirant. Je pourrais dire que mes notes chutaient, mais c’était mentir. Les matières étaient facile à apprendre et tout ce que je n’apprenais pas durant les heures de cours, c’était mon frère qui prenait le temps d’ouvrir les cahiers et de m’aider, même si c’était davantage pour rester auprès de moi et m’aider à passer à travers ce deuil. Un incendie criminel que j’entendais dire de la bouche de mon frère pendant que je faisais mes crises d’insomnies. Me levant de mon lit pour ouvrir la porte entre-ouverte. Jinwon était là également, soupirant de plus belle, tentant de trouver une solution. Ils ne pouvaient rien faire ? Il suffisait attendre, mais pendant ce temps-là, je pourrais faire quoi ? L'injustice était à ma porte. Trouvant une solution pour tuer le temps ; rapidement j'apprenais à faire la cuisine et à suivre les recettes, m’améliorant à chaque fois. Étudiant de plus en plus pour aller en droit pour justement résoudre ces mystères qui restaient indéchiffrables. Cependant, quelque chose s’était produit pour que ma volonté puisse disparaître une nouvelle fois. Mon frère avait disparu. Mon frangin m’avait quitté. Ki Suk se retrouvait sous terre. Je n’avais pas pleuré lors de l’enterrement sachant pertinemment que j’en étais désormais incapable. J’avais pleuré toutes mes larmes de mon corps et de ma vie en apprenant cette nouvelle. Me retrouvant seule au monde. Me retrouvant dans un entrepôt vide et abandonné avec un homme que je ne croyais pas me prendre en charge. Je l’avais retapé avec lui d’une certaine manière, j’avais décoré cet endroit selon nos goûts à nous plus particulièrement les miens. Dormant dans deux chambres séparées, mais je voulais du réconfort, des câlins et forcément à seize ans nous avions tous les hormones en ébullition. Je ne voulais pas me sentir une nouvelle fois seule. Je ne voulais pas qu’on m’abandonne de manière tragique. J’avais perdu toute ma famille dans un délai de deux ans et il ne me restait plus que le mafieux que j’étais éperdument amoureuse de lui depuis bien longtemps.

Cela dit, je n’aurais jamais cru finir le lycée. Je n’aurais jamais cru possible. Lors de ma majorité, il avait un homme qui m’intéressait à l’époque sachant que je recevais des vents de la part de mon protecteur. On m’avait invité à un rencard pour officiellement confirmer notre intérêt un envers l'autre. Pouvoir lui prendre la main, pouvoir l’embrasser. Néanmoins quelqu’un le savait et ne m’avait pas permis de sortir de l’entrepôt retapé. Il m’avait gueulé que désormais je lui appartenais. Désormais qu’il voulait reprendre son dû. Posant un lapin, cela restait une nuit étrangement magique qui allait déclencher une série d’événement. Oui, après cet instant, j’avais abandonné mon choix de carrière en droit pour aller auprès de Jinwon. Allant dans le côté obscur, allant gérer la prostitution à mon plus grand désarroi, mais d’une main de fer. Découvrant que j’avais un don pour gérer un réseau avec l’aide de la bête... Cela fait quoi..? Dorénavant sept ans que je suis à la tête. Sept ans que j’ai accepté ma vie. Sept ans que j’ai commencé à pianoter sur les touches à cette journée pour combler ma solitude vis-à-vis ma famille. Toutefois, je ne m’ennuie pas autant que j’aurais cru, mais tout de même. Je voudrais avoir un peu plus de liberté. Qu’on m’offre un peu plus de confiance pour m’épanouir davantage. La question étant ; comment je vais lui demander ça sans qu’il se mette en colère ? Rigolant légèrement en essuyant du revers de la main une larme, je me dis que je m’étais mise dans des situations impossibles depuis toute petite, enfin, que le destin m’a mise dans des situations impossibles. Totalement ridicule quand j’y pense.