Je suis issue d’une famille modeste de trois enfants et j’en suis la cadette. Autant dire que je n’avais pas vraiment la place la plus enviable. Je n’étais pas aussi belle, ni intelligente que ma sœur ainée. Et je n’étais pas aussi mignonne et attendrissante que ma petite sœur. En fait, j’étais un véritable garçon manqué qui déchirait ses jeans en jouant à la bagarre avec les garçons. Je ne tenais pas vraiment en place sauf lorsqu’on me donnait du papier et un crayon. Mais là encore ça ne durait pas suffisamment longtemps pour canaliser ma créativité et mon énergie débordante.
En grandissant ça ne s’est pas arrangé. J’avais la bougeotte et je ne tenais pas en place. J’avais également des besoins que ne rentraient dans les moyens de mes parents. L’art, ça coûte parfois cher surtout lorsqu’on veut des pinceaux de qualité. Alors dès que j’ai pu, j’ai pris un job à côté et j’ai commencé à utiliser tout ce qui me passait sous la main pour en faire tout autre chose. C’était ma conception de l’art et pas grand monde ne l’appréciait mais ça n’avait aucune importance. J’aimais ce que je faisais et c’était le plus important.
Mes parents auraient aimé que je fasse de vraies études. Une école de beaux arts, ça fait bien sur le papier mais ça ne nourrit pas. Du moins selon eux mais il n’est pas encore né celui qui me dira ce que je dois faire de ma vie.
Et puis j’ai rencontré ce type un été… Il était coréen et était de passage au Japon. En vacance apparemment. Ce n’était qu’un amour d’été. Quelque chose d’éphémère et nous n’étions pas destiné à nous revoir. Lui devait reprendre l’avion et moi le cours de ma vie. Et pourtant, l’année suivante nous nous sommes revus.
J’étais fraichement diplômée je venais de remporter le premier prix pour un appel à projet, destiné à découvrir de jeune talent. J’allais exposer pour la première fois de ma vie, à Tokyo mais également à Séoul. C’est là bas que je l’ai revu, par hasard et je ne sais pas… c’était comme si nous ne nous étions jamais quitté. Le courant est immédiatement passé. Vous savez, comme dans ces comédies romantiques dont mes sœurs sont friandes et qui me donnent habituellement la gerbe.
On s’est retrouvé et on ne s’est plus quitté. Enfin presque. Il fallait que je rentre au Japon mais simplement pour régler mes affaires. Ensuite j’ai emménagé avec lui et nous nous sommes mariées au bout d’un an. C’était complètement incroyable. Moi, le garçon manqué, la fille que tout le monde jurait qu’elle était incasable, je me retrouvais mariée à un homme si beau, si talentueux, si parfait…
Qui aurait cru que dix ans après je serais en train de le traiter de tous les noms et incapable de le voir sans avoir envie de l’étrangler ? Pour tout vous dire, nous en sommes au point où se sont nos avocats qui se rencontrent pour régler les dernières affaires relatives à notre divorce.
Du coup, je saute l’étape où je me ridiculise en vous racontant les merveilleuses années que j’ai passé avec lui, à croire que nous étions réellement faits l’un pour l’autre. Tout ça ce n’était que vent ! Et franchement, si je pouvais remonter dans le temps, je hurlerais à l’idiote que j’étais à l’époque de ne jamais épouser ce sale type !
Je me suis mariée… blablabla… j’ai commencé à donner des cours d’art et en parallèle j’ai continuer à créer jusqu’à devenir une artiste plasticienne reconnue à l’internationale. Je voyage beaucoup et j’ai un train de vie particulièrement confortable. Autant dire que je suis pleinement satisfaite de ma vie… enfin je le serais quand j’aurais enfin divorcé de ce type ! Mais disons que c’est compliqué. On n’est pas tout à fait d’accord sur le partage de certains biens et je commence à me dire qu’il fait exprès de chipoter sur certains trucs pour le plaisir de faire trainer les choses en longueur. Il ne se rend pas compte que le temps m’est compté ! J’ai 32 ans ! Qui voudra d’une trentenaire divorcée ? Personne contrairement à lui qui vieilli aussi bien que le vin…
Bref, c’était l’histoire de ma vie.