Un clown, le visage en blanc, le nez rouge ainsi que sur les lèvres. Il rit sans cesse, s’amusant, rigolant de plus en plus. Je tiens la main de mon frère, nous sommes petits, pas plus que huit ans. J’ai une peur bleue ingérable de cette personne qui semble rigolote. Cet homme déguisé semble fasciné par ma personne. Je ne lâche pas l’emprise de mon frangin. Tremblant comme une feuille, me méfiant, terrifiée de cette personne. Nous sommes dans une fête foraine et Loulou veut absolument aller dans l’attraction du clown étant le labyrinthe des miroirs. Je refuse tout bonnement d’y aller car je sais que je vais être prise au piège et je ne pourrais m’en sortir. M’éloignant de plus belle, attendant patiemment près d’un lampadaire, je cède qu’il y va sans moi. Désormais seule, angoissée de ne plus le revoir, j’attends sagement qu’il revient de son plaisir. Je regarde autour, je regarde la sortie, je me fais des soucis. Le temps passe trop lentement, je crains déjà le pire et pourtant. Il a fallu un temps solitaire pour que je me retrouve une nouvelle fois avec ce clown qui me demande si j’ai perdu quelqu’un. Tentant de prendre ma main, voulant que je le suive. Son sourire est bizarre. Son sourire semble différent que lorsqu’il était entouré d’autres enfants. Je fais signe que non, mais il me tire, m’éloignant, m’isolant aux yeux de tous pensant que j’étais un enfant perdu, alors que non. J’attends sagement mon frère. Où étaient mes parents ? Nous nous sommes glissés en douce pour pouvoir aller à la fête, mais il n’aurait pas fallu, sauf qu’on voulait s’amuser. On voulait se sentir comme des enfants normaux. Rire, avoir du plaisir. On ne savait pas ce qui allait réellement se passer car on se disait que tout allait bien aller. Non, nous étions naïfs.

« Tu es si jolie, petite... » ses mots me glacent le sang. Il serre son emprise sur mon poignet, me faisant atrocement mal. Je me retrouve en arrière des manèges qu’uniquement les employés attitrés pouvaient aller. Même là, j’ai des doutes. Je regarde partout pour trouver quelqu’un et je ne trouve personne. L’obscurité est présente ici et l’ambiance s’alourdisse. Une camionnette attend sagement plus loin dans cet endroit, les portières grandes ouvertes. Quelque chose cloche, je mettrais ma main à brûler. Je commence à tirer de toutes mes forces pour pouvoir déguerpir, voulant m’enfuir. Sauf que je suis incapable. J’entends mon nom crier faiblement au loin à cause du bruit des attractions et des rires de la foule. Mon frère !? Je donne un coup de pied sur le tibia du clown, il me relâche, prenant mes jambes à mon coup. Courant de toutes mes forces, je hurle également le prénom de mon double. Je n’aurais pas dû suggérer cette idée. On aurait dû rester sage et rester à suivre l’étiquette. Non ! Il me rattrape ! Je crie de pleins poumons au point de me casser la voix. Je vois quelques têtes se tournées en ma direction au bout de cette ruelle. Elles ne voient pas à cause du peu de lumière qui pénètre. Personne ne me voit, car je suis dans l’ombre d’un manège quelconque et personne n’oserait vérifier cet endroit en premier. Je pleure, car il me prend dans ses bras. Sa main gantée sur ma bouche m’empêche de crier encore et encore. Je me débats, mordant sa main avant de tomber lourdement sur le sol. Me relevant difficilement, je tente de courir à nouveau. Il me saisit les cheveux ainsi que mon poignet que cet individu réussi à le casser avec sa force. La douleur fut vive, j’ai pensé à une fin bien triste et malheureuse pour moi. Cependant, j’entends des pas, des cris, un attroupement incluant un enfant et des adultes arrivés. Je me suis évanouie aussitôt. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?

Ce cauchemar, enfin, ce passé qui me hante de temps à autre. Je l’ai vécu lors d’une fête foraine. Ce clown a été appréhendé rapidement, en mauvais état. Je me suis retrouvée à l’hôpital avec le bras dans le plâtre. Mère nous a énormément engueulé. Elle nous a fait beaucoup de reproche. Certes, nous avons compris la leçon car on a su que l’agresseur avait un antécédant assez bien garnis lors des mineurs. Il aurait récidivé, mais il a voulu continuer. Désormais une histoire ancienne, mais cela m’a marqué. Je ne vois pas les clowns de la même façon. J’angoisse, je tente de m’enfuir et si je suis incapable, je fige en fermant les yeux en comptant essayant de le faire disparaître de ma vision. Un mal être profond que je suis incapable de contrôler. Après cela, nous étions sages. Adolescente, je suis devenue mannequin. Faisant de la publicité pour des lignées de vêtements, de parfum, les défilés de mode. Disons que mon emploi du temps était bien compliqué à l’époque. Puis, mon père a intervenu, ma scolarité en prenait un réel coup et pourtant, il a insisté pour que je puisse quitter la France pour pouvoir aller avec lui en Corée du Sud avec un programme étude-travail que les jeunes vedettes font partie. Une exigence que je ne pouvais contredire malgré que se soit une de mes envies. Je ne voulais pas quitter ma copie. Il m’a terriblement aidé depuis cette histoire qui m’a traumatisé mon enfance. Hélas, je n’avais pas d’autre le choix que de suivre. Quelle surprise en apercevant que j’avais le potentiel pour devenir actrice. Évidemment que je commençais en étant figurant, puis les rôles secondaires. Éventuellement, j’allais devenir une tête d’affiche. Un personnage principal, un jour, j’en serai une.

Depuis, j’évite tous les événements concernant les clowns et les foires. Pas que je ne veux pas, aucunement, parce que je suis incapable de gérer ma peur. J’ai énormément participé dans les soirées de charités auprès des adultes et des enfants, mais je ne restais jamais bien longtemps quand ma phobie se pointait le nez. Est-ce que tout le monde est au courant ? Pas du tout. Uniquement mon frère est au courant. De toute façon, ils n’ont pas à connaître mon point faible parmi les scandales que je fais lors de mes ruptures qui finissent toujours de manière chaotique. Il faut aller de l’avant n’est-ce pas ?