La porte se ferme et Min Jae réajuste le col de sa blouse. Cela ne fait pas longtemps qu'il est arrivé, il semblait même s'être parfaitement accoutumé au laboratoire, pourtant voilà déjà qu'il tire sa révérence. Trop de pertes occasionnées, aux dires de collègues qui passaient plus de temps à jouer de leurs délires sauvages au lieu de travailler pour la recherche. Les expériences prennent du temps et de la patience, lui disaient certains, les cobayes ne sont pas ressource infini, lui en soufflaient d'autres. Mais Park n'était pas là pour s'amuser à observer de timides faibles graines s'épanouir dans le corps de leurs sujets. Si le résultat ne savait se manifester dans les jours souhaités, la tentative était donc un échec, et à partir de là, toutes les idées étaient permises afin de pimenter le turbo qu'il leur imposait. Tu ne veux pas réagir ma grande? Lui allait tout faire pour. Park n'aime pas rester sur un échec, et usera de tous les moyens nécessaires afin de tourner cette déconvenue en découverte ou nouvelle étape franchie.

Son téléphone vibre dans sa poche et Min Jae y enfonce sa main. Il n'a pas encore vu le nom mais il se doute bien de la voix qui va résonner au travers de son appareil. De ses doigts libres, il vient chasser la giclure de sang maculant le bas de son menton ainsi que le dessus de sa pommette, et un sourire radieux décore ses lèvres alors que le "décrocher" est déjà glissé.

- Papa papa! Avec maman et papy on a été traire une chèvre! Ils m'ont même laissée mettre le truc avec des sortes de tubes sur ses mamelons! Le lait il était encore chaud dans la bouteille et quand le fermier nous a proposé d'en boire un peu avant de rentrer, maman elle voulait pas. Nan mais tu aurais vu sa tête haha!
- Bonjour ma chérie. Oui papa va bien. Et papa t'aime aussi.
- Rooh c'est bon…

Loin de l'insolence, Min Jae peut sentir la pointe de gêne dans la voix de sa fille. Une grande timide, comme sa mère, se fait-il la remarque, comme à chaque fois qu'il l'embête. L'appel ne dure pas très longtemps. Sa rentrée scolaire est pour bientôt et sa femme doit sans doute avoir à gérer les fournitures et tout ce qui en était lié, à côté d'en plus devoir contenir l'esprit tout aussi curieux que son père de leur petite. Il avait été décidé qu'elle partirait vivre quelques mois avec sa mère, qui avait trouvé une admiration notoire à l'Allemagne et leurs recherches sur les endoprothèses. Min Jae ne s'était opposé à cette idée. De toute manière, depuis qu'elle était née, les deux parents avaient appris à gérer leur vie de couple, tout comme leur vie avec leur enfant, à leur propre manière. Et aucun des trois n'en était malheureux, même si parfois, le manque commençait à se faire ressentir. L'avis des autres? Ils n'avaient rien à dire. Min Jae aime sa femme et sa fille comme la prunelle de ses yeux, et jamais personne ne pourrait lui retirer ça.

Le téléphone de nouveau dans la poche de sa blouse, Park passe près des salles de décontamination et se lave les mains. Un autre employé arrive.

- Cobaye numéro 12 a succombé au test 32 basé sur l'injection de sang d'une tortue dans l'organisme.

Il aurait aimé qu'il tienne, voir s'il pouvait par la suite lui greffer une endoprothèse animale au niveau de son cœur et voir comment l'organe allait y réagir. L'idée lui était venu en écoutant sa femme lui exposer les résultats qu'ils avaient obtenus en Allemagne, en début de semaine.

- Heureux d'avoir pu travailler à vos côtés ces quelques semaines.

Sur ces dernières paroles, Min Jae sort de la pièce en jetant sa blouse plus si blanche dans la benne mise à disposition. Son téléphone vibre et l'image reçue ne tarde pas à s'afficher. Sa fille et sa femme aux côtés d'une bouteille de lait en verre. Rien de mieux pour lui faire découvrir ses dents parfaitement blanches, elles.

Sa présence en ces lieux n'étant plus désirée, nouvel objectif scientifique en tête et nouvelle offre d'embauche dans un autre pays, Min Jae n'a pas hésité une seule seconde. Destination Mokpo. Ses yeux ne peuvent néanmoins se lever en l'air alors qu'il repense à son ancien compère, Shigure, qui l'y attend chaudement. Ce sont donc les mains dans les poches et un sourire apparaissant aux abords de ses lèvres que le père de famille quitte pour la dernière fois le laboratoire, direction l'aéroport.